Une étude récente de l’Insee alerte sur la part importante de passoires thermiques dans Paris intra-muros. Certains commentateurs ont avancé comme explication les mauvaises propriétés isolantes de la pierre de taille pour expliquer les notes F ou G des logements parisiens.
Cette explication est assez similaire à la croyance qui veut que les maisons en pierre anciennes en zone rurale soient forcément des passoires thermiques.
Quand on se plonge dans les 150 pages des spécifications techniques de l’algorithme qui permet de calculer le nouveau DPE (la méthode 3CL), on se rend compte que la pierre de taille a pourtant de bonnes qualités thermiques lorsqu’elle est suffisamment épaisse, avec un coefficient de transmission équivalent au béton par exemple.
Par ailleurs, une étude réalisée par l’APUR à l’aide de caméras thermiques sur les façades d’immeubles haussmanniens montre que les ponts thermiques sont assez limités, en tout cas beaucoup moins présents que sur les façades des années 60-80.
Enfin si on regarde en détail l’étude de l’Insee, on se rend compte que la part des passoires thermiques est plus faible dans les arrondissements de l’Ouest où la part des immeubles haussmanniens est la plus importante.
L’explication semble donc être à chercher ailleurs que sur la pierre de taille. Plusieurs explications possibles sur la part importante des passoires thermiques à Paris :
1) L’isolation des toitures
L’APUR a également réalisé des études aériennes avec des caméras thermiques, on découvre des images passionnantes des arrondissements avec des situations très contrastées d’un immeuble à l’autre, mais encore beaucoup de toits qui sont peu ou pas isolés.
2) L’isolation des façades sur cour
Contrairement aux façades sur rue des immeubles haussmanniens, les façades sur cour sont souvent moins épaisses et réalisées avec un tout-venant beaucoup moins isolant que la pierre de taille.
3) La vétusté des fenêtres
De manière assez scandaleuse certains bailleurs n’ont toujours pas changé les fenêtres simples vitrages de leur appartement parisien. La faible rentabilité brute de leur investissement et le marché tendu leur permettent quand même de louer dans ces conditions. C’est également souvent le cas des immeubles modernes avec chauffage collectif où les copros n’ont aucun intérêt à changer leurs fenêtres.
4) L’exposition au soleil
Un facteur déterminant dans le calcul du DPE est la quantité de calories que le logement obtient naturellement en hiver par ses ouvertures. Le calcul est fait évidemment en fonction de la zone (spoiler ce n’est pas extraordinaire à Paris), mais aussi en fonction de la « surface Sud équivalente » qui prend en compte l’orientation mais aussi les obstacles naturels. Dans une rue parisienne étroite, mal exposée, au premier étage vous risquez d’avoir des apports caloriques solaires très faibles l’hiver.
5) La taille des logements
Les logements parisiens de petite taille sont sur-représentés dans le parc immobilier parisien. Or le score DPE est calculé à partir de consommations de chauffage et d’eau chaude rapportées à la surface. Si vous logez une personne dans 10 ou 15m2, il lui faudra quand même un ballon d’eau chaude et un chauffage, qui seront probablement dimensionnés pour ses besoins mais pas forcément pour la taille du logement. Le ratio de dépenses énergétiques au m2 va donc exploser ce qui augmentera forcément le score DPE.
6) Les grands immeubles des années 50-90
Contrairement aux immeubles haussmanniens, les grands ensembles d’après-guerre sont de vraies passoires thermiques lorsqu’ils n’ont pas été rénovés intégralement, fenêtres et isolation de la façade par l’extérieur. Environ 10% des logements parisiens ont été construits après 1945.
Le mode de chauffage pourrait être finalement mis en cause mais en réalité la part des logements parisiens chauffés à l’électricité par rapport au gaz est plus importante que dans le reste du Grand Paris (source APUR).
Bref l’immeuble haussmannien n’est à mon avis pas la cause du mauvais score DPE moyen du bâti parisien.
Pour les bailleurs parisiens qui vont bientôt subir l’interdiction de louer leurs logements F ou G (cf notre article sur la location des passoires thermiques), les solutions sont limités car l’isolation par l’extérieur n’est souvent pas possible pour les façades sur rue des immeubles anciens.
Les actions qui nous semblent les plus importantes et faciles à mettre en oeuvre sont
– changement des fenêtres simple vitrage
– remplacement d’une chaudière individuel au gaz par du chauffage électrique.
Les actions plus compliquées à mettre en oeuvre car coûteuses et nécessitant l’accord de la copropriété
– isolation de la façade sur cour si possible
– isolation de la toiture
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- Mathieu Chantalat, Directeur immobilier
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Merci pour votre article très intéressant. Pouvez-vous expliquer pourquoi le remplacement d’une chaudière au gaz par un chauffage électrique améliorera le DPE (je pensais que le chauffage électrique était défavorable en termes de DPE, compte tenu du coefficient d’énergie primaire) ? Merci
Bonjour,
Le score unique du DPE prend en compte deux paramètres, la consommation d’énergie mais aussi le niveau de CO2 de l’énergie produite. ET c’est en cela qu’un chauffage au gaz est très pénalisé, en comparant avec l’électricité essentiellement produite en France par du nucléaire, de l’hydraulique ou du solaire/éolien.